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Le Kiai

«Le manque d'énergie vitale rend les gens malades : tout le monde est plus ou moins malade aujourd'hui. Pourtant, on pourrait se guérir soi-même, en exerçant son ki[1]. Faire que, comme dans le Kiaï (cri des samouraïs), le ki et le corps soient en totale fusion... L'expiration est la clé du budo[2]. Et aussi l'art d'utiliser son ki par la concentration.» Taisen Deshimaru (1914-1982, Maître fondateur du Zen Soto pour l'Europe.)

 

 

Dans la pratique de la Voie du Sarbacana, le jet de flèche n'est le résultat d'aucune sorte de tension, compression, ou rétention préalable du souffle, tant au niveau de la bouche qu'au niveau des poumons.

C'est tout au contraire une impulsion puissante issue d'une totale relaxation.

Lèvres d'ange... Souffle de dragon !

L'énergie du jet de souffle n'est pas issue de la libération d'un verrouillage musculaire, comme dans le tir à l'arc par exemple.

Le "jet" de sarbacane jaillit d'une inspiration profonde, sans tension aucune, juste une inspiration du type de celles produites lors d'une méditation.

Et c'est dans la coulée de cette paisible et profonde inspiration que, tel le saut d'un poisson dans le miroir d'une eau calme, se produit le bond des muscles abdominaux.

Comme un tigre bondissant du cœur de sa passivité — jaillit le !kiaï! de silence.

Un jet de silence pointu, dont le cri est la flèche.

Aucune préparation, appréhension, avant ce jet de souffle, juste une inspiration comme les autres, qui — d'un coup — se transforme en un expir fulgurant ! Un éclair de souffle dans le ciel bleu de la respiration, puis la respiration reprend son rythme paisible, profond, régulier.

Cette formidable percussion du souffle, est induite sans la moindre parcelle d'agressivité. C'est une force semblable au coup de marteau du sculpteur, dont la puissance explosive jaillit d'un esprit qui caresse les formes du monde.

Comme le "raaan !" qui accompagne la cognée du bûcheron, dans la pratique des arts martiaux, le "kiaï", le cri doit jaillir au même instant que l'émission d'énergie. Dans le Kyudô ( le tir à l'arc dans la voie du Zen), le Kiaï doit être produit en même temps que le lâcher de flèche. Pour Sarbacana, il en est de même, et il ne peut en être autrement car le Kiaï est le lâcher de flèche. C'est le Kiaï qui dynamise la flèche. Sans ce Kiaï, pas de flèche.

Le Kiaï est comme un laser de souffle, il concentre l'énergie du Chi dans un étroit espace du temps et de l'espace.

Le tranchant du souffle

Avec un arc, le projectile est issu de la tension de l'instrument. Avec les armes à feu, d'une explosion dans l'instrument.

Une fois l'arc tendu, le coup peut s'échapper à votre insu. Malencontreusement, le doigt peut appuyer sur la gâchette d'une arme à feu...

Mais l'expiration qui projette un jet de sarbacane ne peut se produire sans une intention particulière.

Explorer les souffles qui induisent les différentes formes "d'intention", c'est l'une des raisons d'être de la Voie du Sarbacana.

Par ce saut de souffle, cet instantané-sursaut de conscience, nous traversons le paradoxe de la spontanéité car, en quelque sorte, nous "choisissons" d'être spontanés.

Intention, intuition, action sont alors totalement synchronisées, il ne peut y avoir l'espace d'une pensée entre eux.

Aucun espace entre la décision et sa résolution.

Le tranchant du souffle comme celui d'une épée,

Objectif-intuition-décision-action — un seul souffle.

Cette maîtrise du souffle équilibrant le corps, l'esprit et les émotions, crée une parfaite cohérence dans la conscience du souffleur, une parfaite unité dans le "sarbacanaka".

Faisant de la Voie du Sarbacana un formidable instrument d'apprentissage de: "l'instant juste", "juste choix", "juste décision".

M.L. Dioptaz

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